Le sac à main en cuir est-il un luxe?

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La question du prix d’un sac en temps de crise.

A l’heure où la consommation des ménages faiblit et les perspectives de reprise se font attendre, chacun se pose souvent la question de savoir comment dépenser son argent judicieusement et quelle attitude adopter quand on peut encore s’accorder quelques plaisirs que la vie nous offre. Acheter un sac à main en cuir est-il un luxe? Peut-on encore s’offrir un sac en cuir et quel est le bon prix d’un sac? A quelle marque, connue ou pas, accorder sa confiance? La mode n’échappe pas à cet examen, pas plus que la maroquinerie, et si nous sommes encore nombreux à nous intéresser à ces fameux sacs à main, l’ultime accessoire de la femme d’aujourd’hui, et aux sacs en cuir de toutes sortes en général, nous devenons de plus en plus regardants à nos dépenses et exigeants quant à leur pertinence. Et si nous sommes attirés par le charme d’un sac à main, d’une besace, d’une pochette ou d’un cartable, on reste parfois perplexe devant le prix proposé… Mais savons-nous évaluer le prix et la qualité d’un article à sa juste valeur?

C’est quoi, un sac à main de luxe?

Eh oui, comment définir le luxe? Pour certains, le luxe est un univers de raffinement et d’exception, parfois clinquant et vulgaire, parfois discret et élégant, souvent associé à une grande notoriété et invariablement couteux, voir ruineux. Pour d’autres, le luxe se rapporte à l’excellence d’un savoir-faire s’appliquant à des matières rares, ostentatoire ou pas, et là encore par voie de conséquence à des tarifs très élevés.

Chacun s’entend en général, plus ou moins, sur ces critères, en considérant quand même que le luxe est une valeur relative à nos moyens et à notre culture.  Nous n’avons pas tous la même appréciation d’un niveau de prix. Pour beaucoup, un sac en cuir à 200 euros est un prix élevé, pour d’autres, ce sera 500 euros, voir plus. Mais l’univers du luxe, comme nous l’explique la journaliste Anne-sophie Novel dans un remarquable article sur le luxe consacré au sujet, a conçu ces dernières années de savantes stratégies commerciales pour séduire les classes moyennes en quête de surclassement et de signes extérieurs de réussite sociale. Le luxe attire donc « les pauvres » comme un aimant et le syndrome du « veau d’or » n’est pas loin!

La guerre des prix aura lieu!

Et la valse des étiquettes aussi. Nous venons de voir que le monde du luxe, intéressé (doux euphémisme) par l’énorme clientèle moyen de gamme, affiche depuis peu des « petits prix » pour attirer le modeste chaland, aveuglé par l’image de prestige, tel un lapin devant des phares!  Pensez donc: Des sacs en toile enduite à 500 euros, quelle aubaine! Les grands magasins, qui distribuent toutes les marques institutionnelles, ont de gros besoins de trésorerie, et jalonnent à présent l’année de nombreuses périodes de soldes, soldes flottantes, anniversaires et autres promos afin de s’assurer que leurs énormes stocks dus à une offre pléthorique opèrent bien une rotation rapide. Les cadors de la toile, en concurrence directe avec les géants des centre-ville, ne peuvent que suivre cette folle stratégie et d’offrir à prix cassés d’improbables « it-bag » en cuir. Les prix barrés envahissent alors les étiquettes et le consommateur ébahit découvre la possibilité de payer la moitié du prix normal, au moins quatre fois par an! Pourquoi alors acheter un sac à main au prix normal? D’autant que les copies de grandes marques inonde la toile, brouillant encore un peu plus les choses. La norme, à présent, est le rabais, substantiel de préférence.  La jouissance est alors totale d’acquérir à moindre frais un article d’une grande griffe. Mais quel est le vrai  prix de ces produits dit de qualité parce que de marque? Et comment croire qu’un article de qualité peut être si souvent cédé à moitié prix? Le prix de départ est-il justifié? Peut-on faire une affaire en achetant un sac en cuir non soldé? On s’y perd un peu…

Et si le luxe était ailleurs?

Pas très facile, par les temps qui courent, de défendre l’idée que les choses ont un prix et que les soldes ne sont pas la panacée en matière de qualité. Comme toujours en période difficile, il y a aussi beaucoup d’intelligence dans l’humain et d’aucuns ont fait patiemment émerger l’idée que les valeurs d’hier ne sont pas forcément celles d’aujourd’hui. Les difficultés économiques récurrentes, une mondialisation destructrice et une récente sensibilité à l’environnement ont vu naître l’idée que les productions locales de qualité, durables et saines, pouvaient procurer une alternative intéressante à la frénésie de fabrications industrielles à bas coût et aux sirènes d’un luxe illusoire et surcoté. Le « hand made » ou « slow made », comme le recyclage de produits manufacturés, tentent d’exprimer un style de vie plus responsable et qualitatif en intégrant une réflexion philosophique, économique et sociale dans leur démarche. Naïveté ou nécessité d’avenir? Consommer moins mais mieux pourrait bien nous soulager de nos frustrations contemporaines et régler un certain nombre de problématiques économiques.

Bobos ou réalistes?

A l’instar de certaines productions agricoles de qualité, des coopératives, des collectifs de créateurs ou des expériences de commerce équitable et autres ateliers de recyclage des matières, la fabrication artisanale de maroquinerie semble retrouver grâce aux yeux de certains consommateurs qui y voient à la fois une démarche plus honnête et un gage de qualité qui leurs profite directement tout en protégeant les emplois de proximité. Ce qui passait il y a encore peu pour des modèles économiques farfelus, bobos ou réactionnaires apparaissent aujourd’hui comme des exemples à multiplier. Le luxe est ainsi redéfini par la rareté (petites séries par de petites entreprises), la proximité, le savoir-faire et la durabilité, auquel s’ajoute comme un plus que chacun appréciera selon ses critères personnels le talent ou la personnalité de chaque fabricant.

L ‘objectif n’est plus de convertir des foules et de conquérir le monde mais de disposer de suffisamment de clients pour faire vivre l’entreprise dans de bonnes conditions, longtemps si possible. Une définition qui peut s’appliquer à de nombreuses pme et marques françaises et européennes sans qu’elles aient recours nécessairement aux labels « durable », « équitable », »bio », ou « made in France ». Des objectifs raisonnables, des produits de qualité et des tarifs clairs suffiront à gagner la confiance des clients qui ne croient plus au Père Noël depuis longtemps mais en ont assez d’avoir l’impression de se faire avoir, d’une façon ou d’une autre…

Cher ou pas cher?

Alors, le sac à main en cuir est-il un luxe? Oui, certainement, mais pas forcément au sens habituel, associé au prestige, voir au bling-bling. Non, ce luxe là, c’est celui des choses bien faites, avec des matières nobles ou du moins de qualité, par des artisans qualifiés qui, comme nous tous, tentent de vivre décemment de leur métier. Leur marque n’est pas forcément célèbre et ne s’affiche pas dans les magazines branchés. Leur meilleur argument est le savoir-faire et un style personnel qui se moque des modes. Ce luxe des jolis objets qui agrémentent notre vie quotidienne, nous procurent des plaisirs simples, durent et nous accompagnent un peu partout pendant des années. Un sac à main en cuir digne de ce nom et bien entretenu sera encore en vie dans plusieurs années. Une longévité que pourrait leur envier bon nombre d’objets modernes atteints d’obsolescence précoce, programmée ou pas. Sa fabrication, ainsi que celle de la maroquinerie en général, emploie en France et en Europe  des dizaines de milliers de personnes.

Quel prix accordons-nous à tout cela? A nous de répondre intelligemment… ou pas.

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2 réponses à Le sac à main en cuir est-il un luxe?

  1. Robert Pimenta & Amalvi dit :

    Bonjour
    En 1° lieu bravo pour votre site… et pour cet article.
    En tant que petit atelier de maroquinerie d’art (atelier O’nolan) nous répondons bien à: « … Le luxe est ainsi redéfini par la rareté (petites séries par de petites entreprises), la proximité, le savoir-faire et la durabilité, auquel s’ajoute comme un plus que chacun appréciera selon ses critères personnels le talent ou la personnalité de chaque fabricant. … ».
    Dés que l’on fait de la pièce unique, ou une petite série, dés que l’on a des pièces qui demandent plusieurs dizaines d’heures d’élaboration (comme le Dolce Bellucci: plus de deux cent heures), où l’on utilise des matériaux rares et couteux, où l’élaboration est faite entièrement à la main, les prix s’envolent et c’est justifié. Le luxe en maroquinerie est d’avoir une pièce qui sort des sentiers battus et que l’on ne rencontrera pas dans tous les aéroports. C’est vrai pour la maroquinerie mais aussi pour tous les métiers d’art.
    Cordialement
    Robert Pimenta & Amalvi. P

    • espritcuir dit :

      Bonjour et merci pour votre commentaire; apparemment, nous partageons les mêmes valeurs.
      Merci de nous lire avec enthousiasme!

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